Au fil des jours,
Périphéries explore quelques pistes -
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La revue bimestrielle Théâtre/Public, éditée par le Théâtre de Gennevilliers, est tout sauf une revue spécialisée. Elle traite du théâtre qui bouge encore, qui résiste, qui invente. A la lire, on a comme une révélation : ce qui fait le plus de bruit autour de nous et prétend parler du monde s’agite en vain ; c’est là, dans ce théâtre des marges, que l’on prend à bras-le-corps les questions non seulement contemporaines mais éternelles du sens de la vie, de l’identité humaine. A travers le théâtre, c’est de la vie qu’on parle : le corps, le mouvement, l’immobilité, la perception, la relation aux autres, les moyens de les toucher, de communiquer et de vivre avec eux, le partage, le conflit, la représentation, la politique... La maquette est sobre mais claire, le langage précis mais simple : il se dégage de ces lignes un sentiment d’urgence, comme la certitude de se trouver dans le vif du sujet, qui captive et vaut toutes les mises en page aguicheuses. Eclectiques, les citations, les références, les rapprochements, sont toujours pertinents. Les photos des spectacles, superbes, confirment que c’est bien là que ça se passe, et qu’aucun progrès technologique, aucune dérivation marchande ne pourront jamais rien y changer : la condition nécessaire - à défaut d’être suffisante - de l’événement, du bonheur, du miracle, ce sera toujours la présence d’un corps en situation, qui bouge, qui parle, qui agit et interagit. Les dossiers s’intitulent « Les théâtres de l’autre », « La guerre d’Algérie sur scène », « La chair de l’acteur »... Le numéro 154-155 (juillet-octobre 2000, « La chair de l’acteur ») comporte aussi un long article sur Au-delà du voile, la pièce de l’Algérien Slimane Benaïssa.
Théâtre/Public confirme l’intuition de ce lycéen qui disait au metteur en scène Peter Brook, lors d’une rencontre publique : « J’ai le sentiment que la façon dont vous parlez de l’art du théâtre peut s’appliquer à un art beaucoup plus subtil et complexe : l’art de vivre. Cette “étincelle” que l’on recherche dans “l’espace vide” peut se désirer aussi dans la vie pour lutter contre la banalité. La peur du vide que l’on comble par sécurité peut être ressentie également dans la vie. Peut-on développer l’art du théâtre, tel que vous en parlez, sans développer aussi cet art de vivre ? »
Rappeler la magie du dépouillement, ce n’est pas le moindre des mérites du théâtre de Peter Brook, du théâtre dont se fait l’écho Théâtre/Public, surtout en cette période de pic annuel de la surconsommation, éminent symptôme de la « peur du vide ».
Théâtre/Public, 41, avenue des Grésillons, 92230 Gennevilliers.70 francs, en librairie. On peut s’abonner en ligne sur le site de la revue.
Pour connaître la (très belle) réponse faite par Peter Brook au lycéen : Peter Brook, Le Diable c’est l’ennui, propos sur le théâtre, Actes Sud-Papiers, 60 francs.
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