Périphéries

Trallalero genovese - Polyphonies génoises (2/12)

« Je ne serai jamais comme ils voudraient que je sois »

JPEG - 23.5 ko
La nuit, dans l’autobus militaire réservé aux journalistes, photo de Thomas Lemahieu

La loterie de la peur. Dans toute la ville, à une semaine de l’ouverture du G8, aux murs des échoppes de loterie, quelques petites mains ont accroché de singuliers avis manuscrits, invitant à miser quelques lires avant le prochain tirage. « Vous voulez les numéros du G8 ? Les voici : 5, 8, 18, 22, 90. » Cinq, le nombre de jours que dure le G8 ; huit, bien sûr, parce que les puissants réunis à Gênes seront huit ; 18 (juillet), la date d’ouverture du sommet ; 22, la date de clôture ; et quatre-vingt-dix. Quatre-vingt-dix ? « Parce que c’est le numéro de la peur », raille une vendeuse de billets. Peur de quoi ? « Peur de tout ce qui peut arriver... »

JPEG - 31.1 ko
Une manifestation de 10 gendarmes selon les manifestants, 20.000 selon les organisateurs du G8, photo de Thomas Lemahieu

Questionnaire pour les participants
aux manifestations du contre-sommet G8

Cette recherche est menée par un groupe de jeunes chercheurs de Florence et sert à approfondir les connaissances, à l’évidence insuffisantes, sur le mouvement anti-mondialisation. En particulier, alors que les recherches effectuées jusqu’à maintenant se limitent aux organisations qui font partie du mouvement et aux revendications qu’elles portent, on ne sait rien sur les activistes et les simples sympathisants qui prennent part aux initiatives de portée internationale comme celle de Gênes. Nous te prions donc de nous aider à combler cette lacune, en nous accordant quelques minutes pour remplir ce questionnaire. Les données seront traitées dans l’anonymat le plus total. Merci !!!

1. Sexe : Homme / Femme
2. Année de naissance : 19__

23. Qu’est-ce que tu penses de ceux qui manifestent avec des protections, des casques, des boucliers et des pneus ?
- Ils donnent au mouvement une image militaire dont je ne veux pas.
- C’est une trouvaille publicitaire pour attirer l’attention des médias.
- C’est une réponse légitime à la violence de la police.

24. Qu’est-ce que tu penses du recours à la violence de la part de certains manifestants ?
- Je le considère nécessaire.
- Cela me déplaît, mais c’est compréhensible.
- C’est condamnable dans tous les cas.

25. D’après toi, la présence de la police pendant les manifestations est : (une seule réponse)
- Nécessaire pour empêcher l’action des segments des plus violents du mouvement.
- Nécessaire, pourvu qu’elle se limite à garantir le déroulement prévu des manifestations.
- Pas nécessaire.
- Nuisible.

D’après toi, dans quels cas, la police devrait-elle :

26. Interdire certains itinéraires ?
- Jamais.
- Quand on peut prévoir des désordres.

27. Bloquer les manifestants ?
- Jamais.
- En cas de désordre.
- En cas d’affrontements violents.

28. Utiliser les pompes à eau et/ou les gaz lacrymogènes ?
- Jamais.
- En cas de désordre.
- En cas d’affrontements violents.

29. Charger certains manifestants ?
- Jamais.
- En cas de désordre.
- En cas d’affrontements violents.

30. Arrêter certains manifestants ?
- Jamais.
- En cas de désordre.
- En cas d’affrontements violents. [...]
Six pages de questionnaire (extraits), distribuées le 17 juillet, à Punta Vagno, lors d’un forum intitulé « Quels espaces publics pour le savoir ? ».

JPEG - 34.1 ko
Dératisation en cours dans toute la ville, photo de Thomas Lemahieu

Un aller simple pour le Brésil. Col romain, robe de bure noire, Don Vitaliano Della Sala essaie ses lunettes de plongée. « Nous désobéissons à toutes les zones rouges, aux camps de rétention, aux prisons de la honte. » Daniele Segre, réalisateur de documentaires, emmailloté dans son tee-shirt “il cinema italiano a Genova”, lui demande s’il ne craint pas à force de fréquenter les rebelles d’être expédié illico au Brésil par ses supérieurs ecclésiastiques. « Je ne serai jamais comme ils voudraient que je sois. Je ne sais plus quel chanteur disait ça, mais pour moi, c’est certain. S’ils m’envoient au Brésil, je serai très heureux et je partirai avec grand plaisir. » Un des activistes napolitains de No Global, proches des Tute Bianche, le prend par le cou. En riant. « Mais qu’est-ce tu crois ? Qu’on va te laisser filer à Porto Alegre ? »

Théologie de l’emprisonnement. « On nous trompe : il n’y a pas d’opposition entre le G8 et ceux qui le contestent. D’un côté, on propose une globalisation sous le signe libéral-maçonnique, de l’autre, ce qu’on nous présente comme une alternative n’est en fait qu’un second type de globalisation à l’empreinte tiers-mondiste, égalitaire et catho-communiste. Cette dernière est bien pire que l’autre, caractérisée qu’elle est par une haine anti-occidentale et anti-européenne. La lettre des évêques ligures [qui invitent les catholiques à participer aux manifestations contre le G8] parle d’une redistribution égalitaire des richesses, ce qui est le point cardinal des sociétés socialistes. Sur le site du Genoa Social Forum, on nous promet une manifestation de féministes pour le 20 juillet, le jour de l’envahissement annoncé de la zone rouge. On nous explique que ces féministes feront une cérémonie rituelle sur la Piazza Manin pour obtenir la protection magique des manifestations : voir notre évêque et les sorcières sous le même drapeau, cela fait vraiment désordre. »
Maurizio Ruggiero, catholique traditionnaliste de Civitas cristiani, dans un entretien au Secolo XIX, quotidien génois, le 14 juillet.

Ma sorcière bien-aimée. « Magie blanche, corps sans protections ni uniformes, filets d’étoffe contre filets de fer, des centaines de messages et de traces de pieds et de mains de ceux qui ne seront pas à Gênes, des réveils à faire sonner à toutes les heures du jour sur les places : le mouvement des femmes appelle tous les réseaux du vaste mouvement contre le G8 à montrer notre résistance pacifique et non-violente face à ceux qui ont transformé le chef-lieu ligure en un nouveau Berlin d’avant la chute du Mur. A Gênes, pour renforcer le mouvement, viendront deux personnages de grand intérêt et d’importance : Starhawk et Lisa Fithian, canadiennes, activistes de l’organisation pacifiste Rant, formatrices à la non-violence et sorcières du Wicca, une organisation de femmes qui pratiquent la magie blanche, en utilisant les techniques et les savoirs mis en commun grâce à la “haute technologie spirituelle” des Indiens. »
Invitation à la conférence de presse présentant les initiatives des femmes durant la semaine de protestation, le 16 juillet.

Page précédente

A suivre :
Trallalà, trallalà,
polyphonies
génoises (3/12)
Périphéries, août 2001
Site sous Spip
et sous licence Creative Commons
RSS