Au fil des jours,
Périphéries explore quelques pistes -
chroniques, critiques, citations, liens pointus...
« Pense que le pays où tu es né n’existe pas sur les cartes.
Pense qu’en attendant de quitter ce monde, tu as dû quitter ton village à quatre ans, tu as dû quitter ta ville à treize ans, ton pays à dix-huit ans, et ton continent à vingt-cinq.
Pense que la science ne connaîtra pas la raison de ta mort, parce que la science ne connaît pas l’exil.
Pense que tu es né dans une ville où les journaux arrivaient deux semaines plus tard. De cette ville, tu voulais changer le monde.
Pense que dans cette ville, les seules voitures que tu voyais étaient des véhicules militaires.
Pense que quand tu étais petit, tu essuyais tes fesses avec des cailloux, en regardant les étoiles.
Pense que dans le village où tu es né, on échangeait la laine contre les bonbons.
Pense que tu n’as jamais aucune notion de temps.
Pense qu’à l’âge de treize ans, tu chauffais encore l’eau pour prendre ta douche.
Pense qu’à l’âge de vingt-cinq ans, tu n’avais jamais vu un homme noir.
Pense que tu es né dans une autre galaxie.
Pense que tu as deux bras, deux jambes, deux yeux ...comme tout le monde.
Pense que l’homme est purement et simplement un produit chimique, mais raté.
Pense que tu es kurde.
Pense que tu ne sais pas dans quelle langue tu penses.
Pense que tu ne connais pas la date de ta naissance et que tu ne sauras pas celle de ta mort.
Pense que tu as envie de brûler tout ce que tu lis, pour oublier et vivre simplement.
Pense que tout est déjà dit et écrit.
Pense que tu ne devrais pas être là en train d’écrire.
Pense que tu es exilé chez Victor Hugo. »
Zirek, comédien kurde de Turquie exilé à Paris, dans son livre Pense que.... Image : Culemêrg, tableau de Marie-Noëlle Perriau.
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