Périphéries

Carnet
Juin 2003

Au fil des jours,
Périphéries explore quelques pistes -
chroniques, critiques, citations, liens pointus...

[11/06/03] France-Algérie dans L’Œil électrique

En pleine « année de l’Algérie en France », le magazine rennais L’Œil électrique, hors de tout souci d’actualité ou de promotion, et très loin des célébrations consensuelles, dresse un tableau impitoyable du magma de tragédies et de douleurs irrésolues que continuent de charrier les relations franco-algériennes. Il réintroduit en même temps des nuances dans une histoire trop souvent manichéenne, dans un sens ou un autre, à travers trois superbes témoignages : celui d’Elisabeth Trouche, fille de pieds-noirs, qui a quitté l’Algérie en 1962, à l’âge de douze ans (photo), et qui raconte son retour à travers une série d’instantanés en texte et en image, « Oran, ma ville retrouvée » : « De ce pays quitté en pleine violence, me poursuivent encore des images terrifiantes. Mais d’autres, magiques, m’habitent aussi. Je n’avais jamais envisagé un retour. Je considérais l’Algérie comme un pays à jamais interdit. J’acceptais qu’elle devienne mythique. Mais depuis la mort de ma mère et de ma tante, le désir m’est venu, irrésistible, de revoir Oran, de rechercher là-bas des traces des disparus, de confronter l’Algérie de mes souvenirs à l’Algérie d’aujourd’hui. »

Le récit, également, du photographe franco-algérien Bruno Boudjelal, qui, né en France, n’avait jamais rencontré la famille de son père : « En juin 1993, je suis allé en Algérie pour la première fois afin d’effectuer un reportage photographique. J’ai décidé d’y rester plus longtemps pour tenter de retrouver ma famille. Mon père ne voulant pas que je retourne là-bas, je n’ai pas pu obtenir de lui les renseignements nécessaires à mes recherches. Une seule indication : son lieu de naissance. Je me suis finalement retrouvé, un jour de mai 1993, dans un petit village de la région de Sétif, entouré de femmes en larmes, bouleversées de voir, 44 ans après le départ de mon père, son fils frapper à leur porte. Quelques jours après cette rencontre, mon père m’a téléphoné chez ma tante à Sétif. Après quelques mots, je lui ai passé sa sœur, Nouara, avec qui il n’avait pas parlé depuis si longtemps. » Quelque temps plus tard, son père, ébranlé par le passé que l’initiative de son fils a fait ressurgir, décide de faire enfin le voyage du retour. Bruno Boudjelal l’accompagne, et photographie tout le voyage, qu’il raconte ici.

Enfin, ce numéro propose un entretien avec Jean Debernard, libraire à Montpellier, et ancien sous-lieutenant pendant la guerre d’Algérie, en 1956 ; une expérience qu’il a racontée dans son livre Simples Soldats (Actes Sud). Un triste hasard veut que Jean Debernard soit mort samedi dernier, quelques heures seulement après la fermeture de sa librairie, la librairie Molière, fameuse à Montpellier (voir aussi l’entretien qu’il a accordé à L’Humanité en novembre 2001, au moment du procès du général Aussaresses).

L’Œil électrique no28, en kiosque, en vente encore pour quelques jours. Ce numéro propose aussi un entretien avec le cinéaste Jonas Mekas.

Sur le(s) même(s) sujet(s) dans Périphéries :


Algérie
* Le retour de Louis Arti - 21 décembre 1999
* L’intransigeant d’Alger - Y.B., journaliste et écrivain algérien - août 1999
* Ensemble - Yamina Benguigui, cinéaste - novembre 1998
* Le destin - Slimane Benaïssa, dramaturge algérien - janvier 1998
Périphéries, 11 juin 2003
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