Périphéries

A la Parole Errante (Montreuil), « Les Voyages de Don Quichotte »

Carnet d’exposition

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Un journaliste c’est quoi ?


Gatti a rencontré Pierre Joffroy après la guerre, alors qu’il s’apprêtait à devenir journaliste et que Joffroy l’était déjà. Ils ont continué à travailler ensemble à des livres, des scénarios. Quant à Marc Kravetz, il a réalisé pour Libération une série de longs entretiens avec Gatti, série qui allait donner lieu à un livre resté une référence : La Parole Errante. Dans sa pièce Le Joint, dont est extrait le dialogue suivant, Gatti leur a fait jouer à tous deux leur propre rôle.
« - Un journaliste c’est quoi ?
- Pierre Joffroy : « C’est cette valise. »
(...)
- Un journaliste c’est quoi ?
Marc Kravetz :
- Ce fauteuil.
- Pourquoi ?
- Parce que c’est dans un fauteuil que Karl Marx est mort. Je ne suis pas Karl Marx et je ne prévois pas pour l’instant de finir comme lui. Mais c’est tout de même d’un fauteuil que cet homme a remué son siècle et le nôtre, lancé des tracts, des manifestes, des brochures, des journaux. C’est cela mon journalisme, et c’est aussi un rapport très particulier à l’événement (le sentiment très fort que la réalité ne commence vraiment qu’avec l’écriture).
 »

Souvenir de Rogelia Cruz


Rogelia Cruz fut la première reine de beauté guatémaltèque d’origine indienne. Quand on apprit son engagement dans la résistance à la dictature et pour la cause indigène, elle fut enlevée et suppliciée par les paramilitaires.

Le mot chien aboie-t-il ?



A Auschwitz, les Sonderkommandos, groupes de déportés chargés par les nazis du fonctionnement des crématoires, dissimulaient des rouleaux dans des bouteilles qu’on retrouvera dans les cendres des camps. « Témoins des dernières heures de chacun des déportés gazés, ils en relatent les dernières paroles, narrent la vie du camp (ses tentatives de résistance et son ignominie) et disent l’abject de leur fonction. »

Dans l’une de ces bouteilles se trouvait, tracée sur un morceau de papier, cette question : « Le mot chien aboie-t-il ? » Cette question est aux yeux de Gatti - qui a découvert récemment qu’on l’attribuait à Spinoza - le plus grand écrit du siècle : « Elle ramasse dans l’horreur de son point d’émission une question cruciale de la modernité : le langage rend-il compte de la réalité ? Saigne-t-il, crie-t-il, hurle-t-il autant que le monde ? Est-il un langage pour dire la Shoah ? »

Il y eut un jour une tentative de révolte des Sonderkommandos. Quatre jeunes déportées - Alla Gartner, Roza Robota, Regina Sapir, Esther Wajszblum - volèrent et acheminèrent en cachette, par très petites quantités, la poudre qui devait servir à la mutinerie. Arrêtées, elles furent pendues quelques jours avant la libération du camp.

Le jardin d’Auguste


Au fond du hangar, une porte s’ouvre sur le jardin. L’exposition s’y prolonge avec un hommage au « jardin d’Auguste ». Auguste est le père d’Armand Gatti, balayeur piémontais au bidonville du Tonkin, à Monaco, et anarchiste. Il s’était mis en tête de « faire sortir de terre pour son fils des éléments solides, concrets ». Il voulait lui donner une sorte d’« antiécole », l’équivalent d’un livre qui pourrait lui apprendre sa propre histoire. Il lui a donc fait un jardin, dans un petit coin de terre entre les murs aveugles de deux maisons. « C’est à une classe de la jacinthe que tu devrais assister. Une classe de géographie ; avec la Syrie, la Mésopotamie, la lumière d’Orient. Malheureusement, elle ne peut pas parler car elle a une soeur blanche qu’on appelle la Romaine et qui, elle aussi, est prisonnière de Mussolini. Elle craint les représailles... Et puis le blanc, à Rome, ça veut dire le Pape. » Auguste considérait comme « le comble de la perversion » l’habitude qu’avait sa femme de fleurir les églises, « les fleurs étant anarchistes par essence » : « Une fleur qui a reçu un coup d’encens, ce n’est plus une fleur, c’est une salope ! » Pendant toute une période, il s’est mis à faire des recherches sur les fleurs. Retrouver dans les légendes l’histoire, la provenance de telle ou telle afin d’en faire une hérétique et briser le moral de la mère.

Dernière bribe

« Timide comme une bougie
Brûler une dernière larme
Ténu comme une allumette
Provoquer une étincelle
Réduit à l’état de cadavre
Etre un feu follet
Pour chanter la plaine sauvage.
 »

Mona Chollet

« Les Voyages de Don Quichotte » : « Le geste même de la résistance ».

A lire aussi dans Périphéries :
* Portrait d’Armand Gatti (novembre 1998).

Périphéries, août 2001
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