Périphéries

À Serris, aux abords de Disneyland Paris

Sur cette pierre, mon empire

Il est encore tôt. Fermé, closed, chiuso. L’entrée du parc reste déserte. Trois pelés deux tondues errent avec enfants, armes et bagages.

Pour arriver à Serris, trente minutes d’autobus à travers les champs de maisons en construction. La récolte sera bonne. La région bénéficie d’un micro-climat. C’est ici que ça se passe.

A Serris, une odeur d’argent frais flotte très nettement dans l’atmosphère. Des fleurs débordent de tous les balcons de la mairie, les lampadaires se dressent à tous les coins de rue, des bancs tout propres aguichent le passant. La démographie explose : en 1790, 325 habitants ; en 1826, 325 habitants ; en 1856, 308 habitants ; en 1886, 308 habitants ; en 1911, 225 habitants ; en 1936, 195 habitants ; en 1954, 179 habitants ; en 1975, 304 habitants ; en 1997, 2020 habitants.

Les pavillons individuels poussent collectivement, en rang par deux et en silence. Jamais deux sans dix. « Bouducon bâtiment construit 59 maisons particulières ». La vie est belle. Des maisons pour tous, une maison pour chacun, planquée derrière une haie. Toutefois, à quelques pas du vieux bourg, là où les hôtels New York - ou peut-être Cheyenne - taillent le fil de l’horizon en cubes roses, la boue paraît avoir tout englouti.

La terre est notre seule richesse. La terre ? Cette boue qui recouvre tout, il faudrait la humer, imprimer son âcreté sous nos langues.

Et fuir, mettre les voiles au plus vite.

Allez, « Enjoy your day ! », comme on dit dans les parages, « et nous vous conseillons de bien noter l’emplacement de votre véhicule ».

Textes et photos
Thomas Lemahieu

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Urbanisme
Périphéries, décembre 1998
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