Périphéries

Décryptage de Décryptage

Ota Benga le Palestinien

3 février 2003

Sorti en salles le 22 janvier dernier, Décryptage, de Jacques Tarnero et Philippe Bensoussan, est la poursuite sur un autre support de la bataille d’opinion engagée depuis le début de la deuxième Intifada, à grands renforts de tribunes dans la presse, par ces intellectuels communautaristes dont Denis Sieffert écrit qu’ils « entretiennent avec Israël le rapport qu’entretenaient jadis les communistes français avec Moscou » (La guerre israélienne de l’information). Après avoir précisé de façon convenue dans le commentaire que, « bien sûr, l’Etat d’Israël n’est pas au-dessus des critiques », et qu’il n’en a qu’après les excès de langage qui trahissent l’antisémitisme derrière l’antisionisme, Jacques Tarnero entreprend aussi sec de présenter une version des faits qui « blanchit » entièrement Israël, et dénonce une violence qui serait uniquement palestinienne. Le montage enchaîne les images de la pelouse de la Maison Blanche lors de la signature des accords d’Oslo avec celles d’une rue israélienne après un attentat-suicide ; « le rêve de paix a explosé avec les bombes humaines du Hamas », déplore le commentaire. Il aurait pourtant aussi bien pu enchaîner avec des images de construction d’une colonie...

Les colonies ? Oh, le film en parle, oui. Il en parle pour s’insurger contre l’emploi du mot « colonie » par les médias français, alors que les Américains, tellement mieux élevés, emploient le terme de « settlement », bien plus pudique, pour désigner les implantations israéliennes. Les colonies sont-elles des colonies ? Pour trancher cette difficile question, Tarnero donne la parole à... une femme-colon : « Non, je n’ai pas l’impression de coloniser, ici. Quand on fait des fouilles archéologiques, on se rend compte que c’est plutôt un retour aux sources. » La Bible comme cadastre... En cautionnant de tels discours, les réalisateurs discréditent entièrement leurs affirmations consensuelles du début du film, où, sur les images émouvantes montrant le recueillement de la foule après l’assassinat de Rabin, ils se présentaient comme des hommes de bonne volonté qui avaient cru en la paix. Plus largement, le film nie que le conflit soit un conflit colonial ; Alexandre Adler le justifie en arguant qu’Israël « n’est soutenu par aucun grand arrière » : on s’étrangle... Dans le commentaire, Tarnero cite Albert Camus : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. » Voilà qui s’appelle vraiment ne pas voir la poutre dans son œil.

Laborieusement, le film essaie de démontrer que l’Intifada n’a pas été déclenchée, en septembre 2000, par la visite d’Ariel Sharon sur l’Esplanade des Mosquées, mais qu’elle était préparée de longue date par l’Autorité palestinienne. Ehud Barak raconte que, quelques jours avant la fameuse visite annoncée - et redoutée - de Sharon, il s’était entretenu avec Arafat, et que celui-ci n’avait fait aucun commentaire ; qu’il semblait « étrangement absent ». Un mensonge de plus de la part de l’ancien chef du gouvernement israélien, si prompt, pour se dédouaner, à clamer qu’Arafat, à Camp David, avait refusé ses « propositions généreuses », et à convaincre l’opinion israélienne qu’il n’y avait « plus de partenaire » pour la paix ? Recevant Tarnero dans son émission Résonances, sur France-Inter, Pierre Weill, qui se trouve être l’ancien correspondant permanent de la station à Jérusalem, s’est insurgé : « C’est faux ; lors de cette rencontre, on sait qu’Arafat a fait part à Barak de ses inquiétudes quant à cette visite de Sharon, et lui a demandé de l’interdire ! »

Cela dit, si Tarnero prétend que l’Intifada ne surgit pas de nulle part, on ne cherchera pas forcément à le contredire : en septembre 2000, l’opinion palestinienne était à bout, exaspérée par les ajournements incessants des retraits de l’armée prévus par les accords, par la dégradation de ses conditions de vie et par la poursuite de la colonisation - qui représentait à elle seule, de fait, une rupture unilatérale des accords d’Oslo. Rappelons qu’entre 1992 et 2000, le nombre de colons en territoires palestiniens a doublé...

Quand Alexandre Adler veut
« réconcilier les Palestiniens
avec la modernité »

Bien sûr, on a aussi droit au couplet sur le refus coupable, par Arafat, des si mirobolants accords de Camp David. Shlomo Ben Ami, ancien ministre travailliste, explique doctement que le tort de l’Autorité palestinienne est de n’avoir pas compris qu’on ne pouvait obtenir la paix qu’en divisant la société ; que, si on voulait garder la société unie et satisfaire tout le monde, on n’avait pas la paix. Plutôt cocasse, de la part d’un homme dont le parti n’a pas hésité à siéger dans un gouvernement d’union nationale aux côtés de Sharon, et n’a jamais osé, quand il était aux affaires, démanteler les colonies - au contraire : il en a poursuivi la construction...! Ce qui semble chagriner Ben Ami, en réalité, c’est que les Palestiniens, qui avaient déjà fait des concessions exorbitantes au début du processus de paix, ne se soient pas soumis sans moufter aux conditions que voulaient leur dicter Israéliens et Américains à Camp David. C’est sans doute aussi cela que veut dire Alexandre Adler quand il affirme que l’acceptation de ces accords aurait signifié pour eux « une réconciliation avec le monde tel qu’il est, une réconciliation avec la modernité »...

Ben Ami déplore encore l’« excès de soutien » dont bénéficient les Palestiniens à travers le monde, car cela les pousse, ces enfants gâtés, à refuser ce qu’on leur propose lors des négociations, dans l’idée qu’ils pourront obtenir davantage en faisant appel à l’opinion internationale, et en faisant par exemple voter une nouvelle résolution par les Nations Unies - en effet, vu la célérité avec laquelle Israël applique les résolutions de l’ONU, on comprend que les Palestiniens soient tentés d’abuser de cette arme...

Derrière tout cela perce l’éternel thème colonial de la sournoiserie arabe. « L’Arabe est caractérisé par le secret et la fourberie. Sa vie sociale est obscure, sa religion complexe et sa langue incompréhensible, un véritable charabia. Tout cela inquiète le colon mais cette opacité excite l’imagination curieuse en même temps qu’elle fait peur. Les fantasmes sur cet arrière-fond "inaccessible" engendrent la prétendue duplicité de l’Arabe. Comment savoir la vérité puisqu’on ne voit qu’une façade ? Comment savoir s’il ne cache pas un couteau dans son dos, comme les histoires, les dessins, les cartes postales et les films le suggèrent inlassablement ? » (Olivier Razac, L’écran et le zoo) Confronté par Télérama (15 janvier 2003) à Jacques Tarnero, Denis Sieffert rappelait la nécessité de s’en remettre au droit : « Je remarque simplement qu’il y a une Autorité palestinienne qui, en la personne d’Arafat, reconnaît depuis 1988 l’Etat d’Israël, alors qu’à l’inverse Israël ne reconnaît toujours pas d’Etat palestinien. Voilà des données tangibles, le reste n’est que supputations sur les intentions des uns et des autres. (...) [Le droit] dit purement et simplement qu’il faut restituer ces territoires. Il faut d’abord appliquer ce droit, et non garder une monnaie d’échange dont on n’acceptera de se départir qu’après avoir sondé les reins et les cœurs palestiniens au point d’avoir la certitude qu’ils n’ont plus de mauvaises pensées refoulées ! »

Que l’on puisse faire référence à l’histoire coloniale à propos d’Israël, c’est insupportable pour les auteurs et leurs interviewés. Sans envisager un instant que les analogies puissent être légitimes et pertinentes, ils y voient la preuve que les Français tentent de régler le passif de la guerre d’Algérie à travers la dénonciation de l’occupation israélienne. Commentant la catharsis provoquée par les révélations du général Aussaresses, Alain Finkielkraut s’indigne que l’on fasse de la torture et des exactions de l’armée française « la vérité ultime du colonialisme ». Alors que la « vérité ultime » du colonialisme, comme chacun sait, réside dans la glorieuse entreprise civilisatrice des héritiers des Lumières... Ils ont beau refuser la qualification de « conflit colonial » au conflit israélo-palestinien, la mentalité coloniale perce à travers tout le discours des défenseurs de la politique israélienne d’occupation.

Ainsi, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), Roger Cukierman, osait affirmer récemment : « Israël a transformé un désert en jardin grâce à la science. » (Libération, 7 janvier 2003) Et Alexandre Adler écrivait en 1997 dans Courrier International : « Bien sûr que la France aime son Afrique et éprouve la nostalgie poignante d’une République que nous perdons goutte à goutte. » (Cité par Sophie Bessis dans L’Occident et les autres.) Que déplorent, plus ou moins clairement, les intellectuels communautaires ? Que la France solde les comptes de son histoire coloniale à travers le conflit du Proche Orient, comme ils le prétendent ? Ou qu’elle renie et disqualifie l’idéologie et le projet du colonialisme ?

Analyser « non les faits,
mais le commentaire sur les faits »
pour mieux nier les faits

Ce déni acharné de la réalité d’une occupation coloniale, de la violence et de la responsabilité israéliennes, trouve un relais idéal dans la dénonciation de quelques couacs survenus dans la couverture médiatique du conflit - toujours les mêmes, ressassés à satiété depuis bientôt trois ans. Il y eut ainsi, au tout début de l’Intifada, cette photo d’un jeune civil ensanglanté avec, à l’arrière plan, un policier casqué et vociférant, brandissant une matraque (c’est l’affiche du film). L’agence fit une erreur en légendant la photo - que l’on vit en France en Une de Libération ; le jeune homme n’était pas palestinien, mais israélien, et le policier n’était pas l’agresseur : au contraire, il le protégeait contre ses agresseurs palestiniens. Ô soulagement ! Puisque la situation, cette fois-là, sur la photo, n’était pas celle qu’on croyait, alors la situation générale, au Proche Orient, ne doit pas être celle qu’on croit... Tarnero et Bensoussan ont retrouvé le policier ; devant leur caméra, il dit : « On a cru que nous étions ainsi, et nous étions le contraire. »

Tarnero s’indigne aussi de ce que les images de gamins lanceurs de pierres affrontant des soldats armés jusqu’aux dents donnent une vision trompeuse du conflit. A croire qu’en réalité ce sont les Palestiniens qui ont un Etat, une armée équipée par la première puissance mondiale, et qui occupent Israël... Ces images, argue-t-il, alimentent l’antisémitisme : peut-être, mais qu’il s’en prenne à la réalité, pas à l’image ! Au cours de la promotion de son film, il n’a cessé de répéter que son sujet, ce n’était pas « les faits », mais « le commentaire sur les faits » : belle manière d’avouer la dénégation forcenée des faits qui le guide.

Vient ensuite l’image de la mort du petit Mohamed Al-Dura, tué au cours d’une fusillade devant la caméra de France 2, également au début de l’Intifada. Les auteurs ne vont pas jusqu’à reprendre à leur compte la thèse délirante d’une mise en scène orchestrée par Charles Enderlin, qui a valu au correspondant de France 2 de se voir décerner par des associations liées à l’extrême droite israélienne le « prix Goebbels de la désinformation » au cours d’une manifestation haineuse devant le siège de la chaîne - fixation étrange quand on sait que, des enfants palestiniens, l’armée israélienne en a irréfutablement tué ou blessé des centaines d’autres depuis deux ans et demi... Ils se contentent de produire un schéma bardé de flèches censé nous persuader que les tirs ne pouvaient venir de la position israélienne, et que, si d’aventure c’était quand même le cas, du moins, les soldats ne l’avaient pas fait exprès - ce qui, pour le petit Mohamed, on en conviendra, change tout... Ils s’indignent du mythe auquel ces images ont donné naissance : fresques peintes représentant le père et l’enfant, gamins rejouant la scène devant leurs camarades... Que cet événement, parce qu’il a été filmé, ait impressionné les enfants, qu’il soit devenu le symbole de la deuxième Intifada, quoi d’étonnant ? Quoi de répréhensible ?

Une partie du film est consacrée à la dénonciation de l’« enseignement de la haine » que subissent les petits Palestiniens. Les auteurs ne se demandent à aucun moment si le quotidien de ces mômes - incursions de l’armée, destruction de maisons, d’infrastructures, de commerces, expropriations, dévastation des paysages, arrestations violentes, bombardements, humiliations aux barrages, tirs à balles réelles sur des lanceurs de pierres - n’est pas le meilleur « enseignement de la haine » que puissent rêver les islamistes du Hamas. Certes, les images de gamins hauts comme trois pommes maniant la kalachnikov ou portant de fausses ceintures d’explosifs sont atterrantes. Mais elles sont atterrantes surtout par ce qu’elles reflètent de leur quotidien, de leur univers. Les enfants qui n’ont connu que la guerre dessinent des armes et des cadavres, jouent à la guerre : qu’on s’indigne de la guerre, pas du dessin ou du jeu ! Ilan Greilsammer, dont on se demande bien ce qui justifie qu’on le qualifie d’intellectuel « de gauche », donne la nausée lorsqu’il déclare : « Les Palestiniens mettent de très jeunes enfants, voire des bébés, en première ligne, dans l’intention précise de mieux susciter la compassion. Leïla Shahid et Elias Sanbar m’ont dit que c’était infâme de dire cela, mais c’est la vérité pure. » Autrement dit : les Palestiniens ne souffrent pas quand leurs enfants se font tuer, ils ne sont pas comme nous, ils ne sont pas vraiment humains. Il fut un temps où c’était les juifs que l’on accusait d’être des sacrificateurs d’enfants...

La jeunesse des combattants palestiniens
est une preuve d’endoctrinement.
Celle des soldats israéliens ou américains
s’entoure de romantisme

D’accord, répliqueront les bien-pensants occidentaux, mais alors pourquoi ne protègent-ils pas leurs enfants, pourquoi ne les empêchent-ils pas d’aller jeter des pierres sur les soldats ? C’est d’abord ignorer les témoignages de mères qui tentent par tous les moyens de garder leurs enfants à la maison, sans y parvenir. C’est surtout ne pas voir que le culte du martyr n’est pas une spécificité palestinienne. Un reportage diffusé il y a peu sur TF1 dans « Le droit de savoir » montrait le quotidien des unités d’élite israéliennes, constituées de très jeunes gens - 19 ou 20 ans pour la plupart ; le commentaire insistait à plusieurs reprises sur leur faible moyenne d’âge. On voyait une cérémonie d’hommage aux tués les plus récents. L’officier s’adressait à la mère d’un jeune homme mort en mission, et lui disait en substance qu’il compatissait à son malheur, surtout qu’elle avait déjà perdu son mari il y a quelques mois, apparemment dans des circonstances analogues, mais qu’elle pouvait être fière de son fils, car il était mort pour défendre son pays.

Et dans un article du Monde consacré au délire patriotique actuel aux Etats-Unis (21 décembre 2002), Sylvie Kaufmann racontait un reportage de NBC consacré à « la famille sans doute la plus méritante du pays : M. et Mme Staun, de Cincinnati (Ohio), dont les trois enfants sont engagés dans l’armée. L’aîné est déjà au Koweït, la cadette reçoit une formation de police militaire pour pouvoir garder des prisonniers irakiens, la troisième suit leurs traces. Peut-il arriver aux Staun la même tragédie qu’à la famille Sullivan, elle aussi de l’Ohio, dont les cinq fils périrent sur le même bâtiment de l’US Navy pendant la deuxième guerre mondiale, bien avant Il faut sauver le soldat Ryan ? "Si deux de mes enfants meurent, je demanderai qu’on me renvoie le troisième", prévient le père. "Si c’est la volonté du Seigneur, telle est sa volonté", soupire la mère, plus stoïque. "Un magnifique exemple de patriotisme", conclut, admiratif, le journaliste. »

Pourquoi, dans le cas des Palestiniens, la jeunesse des combattants est-elle une circonstance aggravante, une preuve d’endoctrinement, alors que, dans celui des Israéliens ou des Américains, elle s’entoure de romantisme ? Pourquoi l’esprit de sacrifice est-il réprouvé comme une manifestation de fanatisme dans le premier cas, et valorisé dans les autres ?... Certes, la société palestinienne est plus que les autres rongée par la névrose morbide : c’est dû à une réalité désespérante, invivable, à une totale absence de perspectives, au déni continuel de ses droits, voire de son existence - situation que ne partagent ni Israël, ni les Etats-Unis.

Elle est aussi plus crue et plus franche dans son rapport à la mort de l’ennemi : les kamikazes palestiniens clament leur désir de tuer le plus de civils israéliens possible, alors que l’armée israélienne ne tue des civils palestiniens (et l’armée américaine des civils irakiens) que par une sorte d’inadvertance : les morts qu’elle fait sont tous des morts collatéraux - oh, pardon, on visait des terroristes, de toute façon c’est pour notre sécurité, vous comprenez - mais, au final, ils n’en sont pas moins beaucoup plus nombreux, et ils n’en sont pas moins morts. Qu’est-ce qui est plus odieux : tuer par désir rageur et revendiqué de tuer, ou tuer en n’en ayant rien à foutre, comme on écrase une mouche ? On ne peut ni ne veut trancher. Mais on est sûr qu’il existe une différence entre les deux violences : si la violence israélienne cessait, la violence des extrémistes palestiniens serait marginalisée, discréditée, et finirait par cesser elle aussi. On peut condamner avec la dernière énergie les attentats-suicides, dont sont victimes les Israéliens et aussi, indirectement, les Palestiniens ; il n’en reste pas moins que la possibilité d’une décrue de la violence est entre les mains des Israéliens. A tout faire pour l’oublier, le film n’aide pas au règlement de la situation.

Il stigmatise également les tentatives palestiniennes de contrôler l’information sur le conflit : un journaliste témoigne par exemple des efforts déployés par l’Autorité pour tenter d’empêcher la diffusion des images du lynchage de Ramallah. Pas un mot sur les pressions continuelles exercées sur les journalistes par les autorités israéliennes, ni sur le fait qu’ils sont parfois pris pour cibles (un Italien tué, 75 blessés depuis septembre 2000), alors même qu’ils sont parfaitement identifiables comme journalistes. En novembre dernier, un député travailliste présentait à la Knesset un rapport accablant sur les entraves mises au travail des journalistes non israéliens par le service de presse du gouvernement (Libération, 7 novembre 2002). Le directeur de ce service - qui se disait persuadé lui aussi que la mort du petit Mohamed était une machination de Charles Enderlin (lequel reçoit constamment des menaces de mort) - tenait des propos virulents contre les journalistes étrangers, accusés d’abuser de l’« hospitalité » israélienne : « Leurs successeurs seront plus prudents et Israël s’en portera bien mieux. » La journaliste qui rapportait ces propos dans Libération, Alexandra Schwartzbrod, ayant elle aussi reçu des menaces, devait d’ailleurs être rappelée à Paris peu après.

Dans le film, un correspondant canadien dit aussi avec dédain : « Moi je n’emploie pas de reporters palestiniens comme le font d’autres, ces gens-là ne sont pas de vrais journalistes, ce sont plutôt des agents de l’Etat. » Cinq reporters palestiniens sont actuellement en détention administrative ; sept ont été tués au cours de l’Intifada : de quoi leur donner une bonne leçon de déontologie. Une vingtaine de centres de presse ont été bombardés, parmi lesquels la radio la Voix de la Palestine, qui, avant sa destruction, avait fait l’objet d’un beau reportage de Rachid Masharawi, diffusé sur Arte. On y découvrait des professionnels éminemment respectables, conscients des limites de leur métier dans ce contexte, dont le niveau n’avait rien à envier à celui de leurs confrères israéliens mis sous tutelle par l’armée - pendant l’opération Rempart, les seules images autorisées étaient celles de Tsahal - et tout aussi corsetés qu’eux par l’union sacrée d’une société en guerre. Une Amira Hass ou un Gideon Levy restent des exceptions. Mais ils ne figurent pas dans le film : Tarnero et Bensoussan, si prompts à invoquer la respectabilité démocratique israélienne, semblent n’avoir que peu d’affinités avec ceux qui font de cette liberté démocratique l’usage le plus actif.

Ota Benga le Pygmée :
« Lorsqu’il se défend, il ne fait que
confirmer qu’il est bien un sauvage
incontrôlable et dangereux »

La version des faits donnée par Décryptage est donc une vision en tous points hémiplégique : la société israélienne y est présentée comme totalement vertueuse. Est-ce de la mauvaise foi... ou de l’inconscience ? Ne pas voir le mal que l’on fait est une constante de la psychologie colonialiste. Dans L’écran et le zoo, Olivier Razac raconte ainsi l’exhibition du Pygmée Ota Benga dans une exposition coloniale : « Face aux enclos, le public civilisé crie, apostrophe, insulte. Au zoo de New York, il poursuit Ota Benga partout dans le parc en riant, en poussant de grands cris. Certains lui donnent des coups dans les côtes, d’autres lui font des croche-pieds, tous se moquent de lui. Si bien que lorsqu’un jour il se défend, il ne fait que confirmer qu’il est bien un sauvage incontrôlable et dangereux. »

On se rappelle aussi cet article d’Amira Hass intitulé « Ils ne font pas le lien » (Haaretz, 29 août 2001), où elle raconte cette histoire : « A l’un des centaines de barrages de l’armée israélienne en Cisjordanie, un soldat arrêta la voiture de A.T. A l’intérieur se trouvait aussi le fils de A.T., âgé de dix ans, qui regardait fixement le soldat qui s’approchait. L’arme du soldat était à moitié suspendue, à moitié mise en joue. "Voulez-vous la paix ? Voulez-vous la paix ?" demanda le soldat à A.T. tout surpris. Celui-ci était membre du Parti du Peuple, anciennement le Parti Communiste Palestinien. Quand cette idée était encore très impopulaire, son parti prônait la solution de deux Etats coexistant l’un à côté de l’autre, un Etat palestinien et l’Etat d’Israël. "Oui", répondit A.T. "Evidemment que je veux la paix." Il n’eut pas le temps d’expliquer ce qu’il voulait dire par paix que le soldat l’interrompit. "Alors pourquoi ton fils me regarde avec tant de haine ?" »

On retrouve une histoire du même ordre dans un récent article de Libération sur « les soldats cassés de Tsahal » (25 janvier 2003) ; l’un de ces soldats parle d’un camarade qui n’arrive pas à oublier une opération de ratissage : « Il se souvient des yeux des enfants palestiniens remplis de haine. Il ne comprenait pas pourquoi. »

S’il n’y a pas de violence israélienne, alors le culte voué à la mémoire du petit Mohamed n’est qu’une manifestation de haine antisémite atavique, à laquelle la mort du garçon ne servirait que de prétexte. S’il n’y a pas de violence israélienne, alors la résistance palestinienne relève de ce « grand mal arabe » que stigmatise Alain Finkielkraut. S’il n’y a pas de violence israélienne, alors il n’y a pas d’autre solution que l’écrasement des Palestiniens, puisque aucun retrait des territoires ne sera susceptible de calmer leur haine et leur fanatisme. S’il n’y a pas de violence israélienne, alors, comme le dit cet ancien slogan du sionisme que le film choisit de remettre au goût du jour, « on n’a pas le choix ». Ce « on n’a pas le choix » fait froid dans le dos. Nous revient en mémoire une phrase lue au détour d’un polar apocalyptique de Stéphanie Benson, Cavalier seul, lorsqu’un personnage explique comment on peut parvenir à justifier les pires exactions : « A partir du moment où l’autre est l’ennemi, il n’y a plus de problème. »

Dans le même temps qu’il jette l’opprobre sur des Arabes présentés comme des bêtes incurablement enragées, le film revendique pour les Israéliens le statut de victimes. On y retrouve, exprimée par Ehud Barak, la thèse classique de la faiblesse d’Israël : « Si on ne regarde qu’Israël, on croit que ce sont nous les méchants qui oppriment les pauvres Palestiniens, mais si on élargit à l’ensemble de la région, on se rend compte que c’est Israël qui est isolé et menacé. » C’est oublier encore une fois que cette hostilité régionale - dont il faut encore voir si elle peut se transformer en menace réelle : rien n’est moins certain, du moins tant que les Etats-Unis ne jouent pas trop avec le feu irakien - est directement fonction du sort fait aux Palestiniens. Là encore, Tarnero et ses interviewés bannissent tout contexte réel et « essentialisent » le conflit : ils nous détestent parce qu’ils sont arabes - donc pouilleux et barbares - et que nous sommes juifs.

Dans le film, par une asymétrie manipulatoire, les Palestiniens sont montrés soit sous les traits de foules grouillantes et anonymes, soit sous les traits de fanatiques. Les auteurs, en traquant obsessionnellement les images de discours haineux et extrémistes, dont ils auraient aisément pu trouver des équivalents dans leur camp (dans certains médias qui aujourd’hui encensent leur film, par exemple...), semblent vouloir donner l’impression que tous les Palestiniens souhaitent la destruction de l’Etat d’Israël, et qu’il n’y a pas de dialogue possible. Adopter cette grille de lecture, c’est faire œuvre de va-t-en-guerre. C’est attiser les peurs et les haines, et pousser le conflit sur les rails d’une guerre sans fin - c’est vraiment, pour le coup, « ajouter au malheur du monde ». Comme le fait encore remarquer Denis Sieffert (dans La guerre israélienne de l’information) : « Pour eux [les intellectuels communautaires], mieux vaut une guerre de religion qu’une guerre coloniale. Une guerre de religion n’a pas de fin : elle ignore le droit et les frontières, elle peut demeurer à jamais irrésolue. Dans son intemporalité et son irrésolution, elle profite naturellement à celui qui a intérêt au statu quo, c’est-à-dire à celui qui a l’avantage des armes. »

Comment un Français peut-il
s’identifier à un Palestinien ?

Bousculade à l’entrée avant la fouille de rigueur, places réservées à l’avance... Le film rencontre un vif succès au sein d’une partie de la communauté juive française qui s’est dangereusement radicalisée. Il conforte ses certitudes, sa bonne conscience, sa propension au repli. Elle y communie dans sa colère puérile contre les médias français, tous si injustes et menteurs. Ce sont toujours les mêmes arguments-choc de propagande que l’on retrouve chez les porte-parole de la communauté organisée. Dans le débat de Télérama, Tarnero reprenait une vieille antienne des interventions de Roger Cukierman : « Il faut prendre la mesure de ce que représente un attentat en Israël. Quarante morts là-bas, c’est comme s’il y en avait quatre cents en France, étant donné les échelles de population respectives. Quel est le responsable politique qui accepterait de mener une négociation dans des conditions pareilles ? » (Comme si des « conditions pareilles » n’étaient pas au contraire la meilleure raison de mener une négociation...) A quoi Denis Sieffert répliquait : « Cette analogie, je l’ai entendue dans la bouche d’Avi Pazner, porte-parole d’Ariel Sharon. Mais a-t-on jamais entendu le même rapport tenté à propos des morts palestiniens ? Plus de deux mille morts sur trois millions d’habitants en deux ans, cela n’équivaut-il pas à quarante mille en France ? » Qu’un Français puisse s’identifier à un Palestinien dépasse visiblement l’entendement de nos propagandistes.

Dire qu’à la fin de son film, Tarnero cite Hillel : « Si je ne prends pas garde à moi, qui le fera ? Mais si je ne prends garde qu’à moi, qui suis-je ? »... Autre argument qui revient sans cesse : pourquoi s’occupe-t-on tant du conflit israélo-palestinien alors qu’il y a tellement d’autres pays en guerre ? Eh bien, on attend avec impatience le film de Jacques Tarnero sur la Côte d’Ivoire ou l’Algérie...

Mais surtout, on dénonce l’antisémitisme derrière l’antisionisme. Tarnero et Bensoussan pointent du doigt une « jubilation » qu’il y aurait à "nazifier" les Israéliens. C’est possible. Traiter l’autre de nazi est un raccourci imbécile mais facile, tentant, et on peut imaginer qu’il ranime des pulsions détestables lorsqu’il est employé contre des juifs. Le problème, c’est que Tarnero lui-même y a recours. Lorsqu’il affirme dans son commentaire qu’une rescapée des camps tuée dans un attentat-suicide a été « rattrapée par l’Histoire », c’est lui qui mélange tout. Il « nazifie » les Palestiniens, ce qui n’est pas plus justifié que de nazifier les Israéliens. Idem quand Alexandre Adler, à propos de l’appel au « boycott » des universités israéliennes, déclare (propos rapportés par Libération, 7 janvier 2003) que « ce mot abject de boycott nous replonge dans le souvenir des années 30 ».

On voit bien l’utilité de ce rapprochement : il permet de mettre Israël à l’abri de toute critique derrière le bouclier des victimes du nazisme, procédé odieux qui ne sert, à terme, les intérêts de personne. On ne peut s’autoriser soi-même à employer des comparaisons que l’on réprouve chez les autres ; ou alors, on sait à quoi on s’expose. Et on ne parle même pas de Roger Cukierman déclarant à Haaretz (26 septembre 2001) : « Lorsque Sharon est venu en France, je lui ai dit qu’il doit absolument mettre en place un ministère de la propagande, comme Goebbels »... Cette revendication du statut de la victime par nature, indépendamment de tout contexte réel, ne va pas sans quelques contradictions. Il y a quelques mois, dans son émission sur France-Culture, ressassant des griefs obsessionnels sous couvert de prise de chou savante, Alain Finkielkraut estimait que la sévérité envers Israël s’expliquait par le fait qu’on refusait de voir le juif endosser un autre rôle que celui de victime ; en même temps, c’était lui qui trouvait intolérable d’envisager que les Israéliens puissent être autre chose que des victimes...

Manifestation du Crif :
des « ratonnades » si vite oubliées...

Le film revient aussi sur la manifestation du Mrap, le 7 octobre 2001 à Paris, en marge de laquelle on avait entendu les cris de « mort aux juifs ». Les organisateurs ont eu beau scinder la manifestation, ils ont eu beau condamner immédiatement, le Mrap a depuis été harcelé, ses locaux attaqués et tagués, et on continue à lui reprocher l’incident. Ce qui est surprenant, c’est que personne, en revanche, ne rappelle plus les ratonnades qui ont eu lieu sur le parcours de la manifestation du Crif le 7 avril 2002. Des membres du Betar et de la Ligue de défense juive avaient tabassé des passants d’origine maghrébine qui avaient le malheur de chercher un restaurant ou de faire du skate board sur le parcours du cortège. Une vidéo amateur, diffusée dans les journaux télévisés, les montrait s’acharnant à trente ou quarante sur un seul homme. L’un d’eux avait aussi blessé un policier d’un coup de couteau au ventre. Les dirigeants communautaires avaient déclaré qu’ils condamnaient, que ces actes étaient le fait d’éléments marginaux. Ce qui est pourtant loin d’aller de soi. Au sein même du cortège, on se souvient d’avoir entendu un manifestant, dans une conversation, vomir les « ratons ». Il s’agissait d’une manifestation très dure : censée dénoncer les agressions antisémites en France, elle était hérissée de pancartes « Sharon on t’aime ». On se souvient d’y avoir entendu chanter « Sharon on t’aime, Sharon on t’adore, tue Arafat, on t’aimera encore plus. »

Roger Cukierman avait refusé d’organiser une manifestation conjointe contre l’antisémitisme et le racisme avec les associations de défense des droits de l’homme, ce qui lui avait valu une lettre de reproches très amère de Michel Tubiana, le président de la Ligue des droits de l’homme. On se souvient aussi de sa fameuse phrase après le score de Le Pen au premier tour de l’élection présidentielle : il voyait dans ce succès « un message aux musulmans leur indiquant de se tenir tranquilles » (déclaration à Haaretz rapportée par Le Monde du 23 avril 2002)... Condamnant les éléments violents de la manifestation du Crif, il avait commenté, au journal de France 2 : « S’ils ont envie de se battre, je préférerais qu’ils aillent se battre en Israël. » Brrr...

Dans la manifestation, des pancartes clamaient aussi : « La Marseillaise, nous, on ne la siffle pas, on la chante ! » On ne peut que s’inquiéter de voir une frange de la communauté juive de France se draper dans les valeurs de la République pour mieux attiser le racisme anti-Arabes et l’islamophobie. C’est elle qui, par cette tentative de prendre en otage la République, de la forcer à prendre parti pour elle contre les Arabes, importe le conflit israélo-palestinien. Pour cela, elle se sert par exemple comme d’une machine de guerre communautaire d’un livre comme Les territoires perdus de la République (bonjour le vocabulaire colonial, là encore...), publié par les très national-républicaines éditions Mille et une nuits et dirigé par l’historien Georges Bensoussan (sous le pseudonyme d’Emmanuel Brenner). Une quinzaine de profs y dénoncent les dangereuses brutes antisémites et misogynes que sont leurs élèves d’origine maghrébine. L’une de ces profs, Barbara Lefebvre, écume les plateaux de télévision, et jusqu’au journal de 20 heures de France 2, pour dire son dégoût de ses élèves, en martelant des phrases-choc lues sur leurs copies, comme : « Hitler aurait fait un bon musulman. » « A partir du moment où l’autre est l’ennemi, il n’y a plus de problème »...

Lors du dîner annuel du Crif, début janvier (au cours duquel il a fait sa fameuse sortie sur la gauche et l’extrême gauche antimondialistes, taxées d’antisémitisme), Roger Cukierman a distribué un exemplaire de ce livre à chacun de ses invités, ministres et personnalités politiques. Hypocritement, les tenants de ce genre de discours soupirent : « Eh oui, ce n’est pas parce qu’on est victime du racisme qu’on ne peut pas être aussi raciste soi-même, hélas... » (Entendu dans la bouche du cinéaste Alexandre Arcady.) Sans voir que cette vérité les concerne aussi...

Le seul aboutissement possible de telles menées stériles et stigmatisantes est la guerre civile. Pourtant, le danger qu’elles représentent reste dans l’angle mort. Le lendemain de la manifestation du Crif, marquée par des incidents tout de même très graves, l’émission « Mots croisés », sur France 2, s’interrogeait sur les risques d’une communautarisation... des musulmans. Arlette Chabot, après avoir diffusé un reportage sur la constitution d’un syndicat d’étudiants musulmans à l’université, se demandait si on devait s’inquiéter de cette atteinte à l’intégrité de la République. Pourtant, personne n’a jamais estimé que l’Union des étudiants juifs de France - dont certains membres criaient dans la manifestation du Crif « Israël vivra, Israël vaincra » - représentait un danger, que l’on sache ! Interrogé sur le sujet, l’imam présent sur le plateau répondait en commençant par ces mots : « Dans la communauté »... Arlette Chabot l’arrêtait, triomphante : « Ah ! Vous voyez, vous dites "la communauté", quand même ! Vous vous situez donc bien dans une logique communautaire ! » ça faisait bien une heure qu’on évoquait à tort et à travers la « communauté juive », sans qu’elle y décèle le moindre aveu d’une menée séditieuse...

On ne peut qu’espérer que ceux qui, abusés par l’argument vertueux de la lutte contre l’antisémitisme utilisé à un escient si calamiteux, se mettent au service de ces logiques racistes, se réveilleront à temps. Et que ceux qui, par désarroi, cèdent aux sirènes communautaires, retrouveront assez de courage et de lucidité pour cesser de jeter de l’huile sur le feu. Citons pour finir les exhortations faites par Denis Sieffert à Jacques Tarnero (dans leur débat pour Télérama) - les deux hommes, ayant autrefois lutté conjointement contre le Front national, se connaissent et se tutoient : « Je pense que tu alimentes ce que tu stigmatises par la façon même dont tu le stigmatises. Tu gagnerais à condamner frontalement Sharon, à être audible sur la paix nécessaire avec les Palestiniens, à cesser d’encourager avec les tiennes les obsessions d’en face. Tu es dans un système clos. Soyons ensemble à la fois pour régler le conflit colonial en Israël et pour dénoncer l’antisémitisme en France. Si chacun suppute que l’autre a une arrière-pensée, on ne peut pas s’en sortir. »

Mona Chollet et Thomas Lemahieu

Olivier Razac, L’écran et le zoo, Spectacle et domestication, des expositions coloniales à Loft Story, Denoël, 2002.

P.S. Vient de sortir : A contre choeur, les voix dissidentes en Israël, un choix de textes réunis par Michel Warschawski et Michèle Sibony (vice-présidente de l’Union juive française pour la paix), aux éditions Textuel. Pas seulement réconfortant : instructif, passionnant. Extrait de la préface de Michel Warschawski : « Si l’on y regarde de plus près, si l’on tend l’oreille au-delà des bruits de tambours et de trompettes de la fanfare consensuelle, on peut percevoir quelques sons différents, dissonants, à contre-choeur. (...) Mettre en valeur la petite minorité de résistants risque de dédouaner la société israélienne et de la déresponsabiliser. Ceux qui résistent refusent de jouer le rôle de faire-valoir, et ne considèrent en aucun cas leur action comme la preuve "qu’il existe un autre Israël". Comme les prophètes Jérémie et Amos, ils veulent seulement contribuer à faire émerger cet autre Israël, en protestant, en dénonçant, en mettant en garde, en maudissant parfois. Mais ils ne se prennent pas pour Israël, tout au plus comme des Israéliens en lutte pour un autre Israël. Si nous avons pourtant choisi, malgré leur relative marginalité, de donner la parole à ceux qui font contre-choeur en Israël, c’est parce qu’un danger mortel menace tout ce qui touche au conflit israélo-arabe : le danger de bosnisation, autrement dit la transformation d’un conflit politique en un conflit ethnique. » Certaines des interventions présentées ici avaient déjà été diffusées en français sur le site Solidarité Palestine. C’est le cas d’un texte époustouflant de l’écrivain David Grossman, « Ave, César ! » que l’on peut toujours lire en ligne. Il date de février 2002, mais depuis la réélection triomphale d’Ariel Sharon, il est plus que jamais d’actualité.

* Lu dans le compte rendu d’un débat suivant une projection de Décryptage : Alain Finkielkraut rend hommage à un prêtre chrétien, Emile Shoufani, « qui veut organiser pour des Palestiniens, sans contrepartie, un voyage à Auschwitz ». Nul doute qu’au retour, ils trouveront l’occupation douce et démoliront eux-mêmes leurs maisons... L’indécence le dispute au ridicule.

* Brève lue dans Politis (30 janvier 2003) : « Plusieurs organisations syndicales et de nombreuses personnalités du monde universitaire ont affirmé leur soutien à la résolution du conseil d’administration de Paris-VI demandant le "non renouvellement du 5e programme-cadre de recherche et développement technologique qui vient à échéance cette année et qui a permis à des institutions israéliennes de bénéficier du soutien de l’Union européenne pour 498 projets en trois ans". Les signataires estiment qu’un renouvellement prendrait le sens d’un soutien à une "entreprise de démantèlement de la société palestinienne". Comme en écho à cette résolution, l’armée israélienne a ordonné lundi de prolonger de six mois la fermeture de l’université de Hébron. Où sont les bonnes âmes qui ont manifesté, Jack Lang en tête, contre la résolution de Paris-VI ? »

* Affiches géantes pour Décryptage dans le métro, demande du site Proche-Orient.Info (qui défend les mêmes thèses que le film et dont le dernier bijou est le récit d’une conversation téléphonique entre Ariel Sharon et Oriana Fallaci) pour passer de la publicité sur le site du Monde diplomatique... Décidément, on assiste à une grande offensive des propagandistes pour se respectabiliser et imposer leurs thèses comme les thèses mainstream.

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Israël / Palestine
Périphéries, 3 février 2003
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