Périphéries

Ariane Mnouchkine, cheffe de troupe

« Le théâtre aide à se mettre dans l’Histoire »

« Les meneurs de 68 - à quelques exceptions près - étaient des gens de pouvoir.
Ils sont devenus des grands directeurs de journaux,
des conseillers de ministres, des chefs de cabinet...
Nous, nous voulions le pouvoir absolu,
mais seulement sur notre jardin.
 »
Ariane Mnouchkine, in La décentralisation théâtrale, le temps des incertitudes, sous la direction de Robert Abirached, Actes Sud Papiers, 1995

Jusqu’à fin avril, le Théâtre du Soleil joue Tambours sur la digue, qui a déjà attiré 50 000 spectateurs. Après la partition de l’Inde avec L’Indiade ou l’Inde de leurs rêves, le Cambodge d’avant Pol-Pot avec Histoire terrible mais inachevée de Sihanouk, roi du Cambodge, la troupe d’Ariane Mnouchkine entraîne son public dans la Chine d’il y a mille ans, où les inondations qui menacent imposent des décisions politiques cornéliennes. Depuis trente ans, on se presse dans la halle féerique de la Cartoucherie, pour se voir à la fois emmener très loin, dans l’espace et dans le temps, et ramener très près de ses préoccupations. Parce qu’une soirée au Soleil, pour qui a soif de réflexion politique au sens large du terme, cela change tout de même agréablement de Dimanche midi Amar. Les luttes débordent parfois de la scène. Ariane Mnouchkine a mené une grève de la faim, à l’été 1995, pour protester contre la non-intervention de l’Europe en Bosnie ; la même année, la troupe a défilé contre le gouvernement Juppé lors des grandes manifestations de décembre. En 1996, le Théâtre du Soleil accueillait les sans-papiers après leur expulsion de l’église Saint-Bernard : cette expérience lui a inspiré Et soudain, des nuits d’éveil, repris aujourd’hui en alternance avec Tambours sur la digue. Un spectacle rempli d’humour sur le militantisme, ses trivialités et ses moments de grâce, qui nous a donné envie d’aller interroger Ariane Mnouchkine sur les rapports entre le théâtre et l’engagement.

- Au Théâtre du Soleil, vous êtes à la fois repliés sur vous-mêmes, pour les besoins de vos créations, et ouverts sur l’extérieur, par vos prises de position militantes. C’est une attitude qui peut sembler paradoxale.

Ariane Mnouchkine : Nous sommes une troupe, et ce qu’une troupe est censée faire, c’est chercher le théâtre. C’est à cela que nous servons : nous poursuivons une quête. Et, si nous étions en permanence dans l’action militante, cette quête deviendrait impossible. Or, je suis persuadée que si le Théâtre du Soleil peut parfois se rendre utile, il ne le peut que s’il est lui-même, s’il est sincère. Vous savez, Zola a dit un jour que si, au moment de l’affaire Dreyfus, il avait été en train de travailler à un roman, il n’aurait probablement pas écrit « J’accuse », parce que tout son être aurait été tourné vers autre chose. Je ne nous compare pas à Zola, évidemment, mais je comprends très bien cela. Pour se rendre utile, il faut d’abord s’être nourri.

- Parmi les crises que le Soleil a traversées ces dernières années, l’une a été provoquée, en 1991, par les divergences d’opinions au sujet de la guerre du Golfe. Qu’une troupe de théâtre prenne l’actualité aussi à cœur, a priori, c’est surprenant.

A.M. : On a peut-être eu du mal à se dire que cette différence d’opinions avait ébranlé des choses plus importantes. Mais il y a aussi le fait qu’à l’époque de la guerre du Golfe, nous étions en train de travailler sur Iphigénie, sur les Atrides ; c’est-à-dire qu’au moment où elle a éclaté, nous étions déjà en train de travailler sur cette histoire, en somme ! Lorsque l’on prend pour sujet l’histoire contemporaine, ou l’histoire plus lointaine, tout cela dépasse très vite l’opinion pour devenir de l’Histoire. Le théâtre nous donne quelque chose qui manque peut-être à nos contemporains : la capacité à se rendre compte que ce qui se passe dans l’actualité n’est pas seulement médiatique - sauf bien sûr dans certains cas -, mais aussi historique. Le théâtre aide à se mettre dans l’Histoire. Attention, je ne dis pas pour autant que cela fait de nous de meilleurs analystes : lorsque nous discutons entre nous, en arrivant, le matin, il y a un côté café du commerce - on s’en fait la réflexion, d’ailleurs... Mais regardez par exemple Helmut Kohl, en Allemagne : en un sens, c’est shakespearien ! Ce type qui a réunifié l’Allemagne, qui était prêt à tout pour sa propre gloire, pour l’Europe, qui s’est emparé de tout cet argent... Ou Roosevelt, dont on sait maintenant avec une quasi-certitude qu’il a provoqué Pearl Harbour pour entrer en guerre, avec quel cynisme... A force de travailler sur des événements dramatiques sans en rester au jugement à l’emporte-pièce des journalistes, on établit un rapport à l’Histoire qui est plus charnel - sans être pour autant plus juste, encore une fois.

- Vous parlez des journalistes : vous arrive-t-il de penser que l’actualité est une chose trop sérieuse pour leur être confiée, ou du moins pour leur être confiée en exclusivité ?

A.M. : Parfois, je les trouve un peu rapides à distribuer les bons et les mauvais points à certains personnages. Leur manière de faire ne pousse pas les citoyens à s’emparer de l’Histoire. Aujourd’hui, on a l’impression que le citoyen ne peut participer à l’Histoire que d’une seule manière : en lynchant les hommes politiques. Or nous faisons aussi l’Histoire. A égalité avec les grands personnages, hommes ou femmes, qui apportent à l’humanité une régression ou un progrès. Nous la faisons en nous trompant aussi parfois de procès, en étant lâches, ou paresseux, ou haineux... Je ne peux pas m’empêcher de penser par exemple que les Russes ont fait le mauvais choix quand ils ont jeté Gorbatchev pour Eltsine - ou, plus récemment, les Autrichiens...

« Lors de la préparation d’un spectacle,
on devient tibétain, indien, cambodgien...
Ce sont des épousailles,
une immersion dans une culture »

- Comment, parmi tous les sujets qui vous inspirent, choisissez-vous celui qui deviendra le thème du prochain spectacle ?

A.M. : Je ne sais pas comment il se fait que tout à coup un sujet s’impose. C’est surtout, je crois, une question d’émotions, d’affects ; d’espoirs esthétiques et théâtraux. Ce qui me guide, c’est l’envie de voir quelque chose. Et puis, j’ai foi dans le fait que le théâtre, à longue échéance, peut agir comme un outil au service de certaines causes. Lors de la préparation d’un spectacle, on devient véritablement tibétain, indien, cambodgien... Ce sont des épousailles, une immersion dans une culture.

On a une soif d’apprendre, de connaître, énorme. Ça devient quasiment obsessionnel. Et le fait que cette culture soit en danger compte pour beaucoup dans mon choix. Il n’y a que six millions de personnes au Tibet, mais il est fondamental que l’idée du Tibet reste vivante. C’est une métaphore de tant de choses ! A commencer par le théâtre... Quant à l’Inde, elle n’est pas en danger à proprement parler, mais c’est plutôt quelque chose de l’âme de sa culture qui est en danger, à travers les déchirements entre hindous et musulmans.

- Le théâtre est pour vous un moyen de conjurer ce danger ?

A.M. : Oui, peut-être. Si quelque chose me déprime, c’est bien cette accélération phénoménale de la dévastation que connaît notre époque, et cette menace qui pèse sur la diversité, qui est ce que j’aime le plus au monde. Diversité naturelle, diversité culturelle... Tout cela s’en va, et tout ce qui n’est pas transmis est perdu. Pendant que nous parlons, une langue meurt : quand je suis fatiguée, cela me déprime, oui. En même temps, je ne suis pas payée pour être déprimée ! Disons que cela me déprimerait si je n’avais pas le privilège d’avoir un outil de travail, un lieu, des amis, pour résister.

- Vous arrive-t-il de craindre que votre envie de dire quelque chose puisse desservir la pièce que vous montez ? Par exemple, lorsque vous avez mis en scène Tartuffe dans un contexte nord-africain, en 1995, certains spectateurs vous ont fait remarquer que la pièce de Molière se déroulait dans un milieu bourgeois, alors que l’islamisme algérien s’adresse au peuple...

A.M. : Oui, et d’ailleurs, c’est faux ! L’islamisme s’adresse à la bourgeoisie, même s’il séduit le peuple. Non, je continue à penser que les attaques contre Tartuffe étaient très injustes. Je reste persuadée que la pièce a été écrite exactement dans ce contexte. Un spectateur m’a confié qu’en voyant ce spectacle, pour la première fois, il avait eu peur au théâtre ; parce qu’il se rendait compte que les tartuffes n’étaient pas loin. Molière, lui, a écrit sous cette même menace, mais multipliée par mille ! D’ailleurs, tout au long de la pièce, il ne fait rien d’autre que de hurler au diable : « Rien de plus méchant jamais n’est sorti de l’Enfer » ! Et un homme qui égorge des femmes et des enfants, qu’est-ce d’autre qu’un diable, un possédé ? Au sens strict, celui qui utilise le nom de Dieu pour prendre le pouvoir, c’est le diable, point. Donc, si j’avais vécu dans le sud des Etats-Unis, j’en aurais sans doute fait un pasteur protestant intégriste, mais je ne voyais pas l’intérêt de jouer ça en cols de dentelle. Si nous avons choisi de monter Tartuffe pour parler de l’intégrisme, c’est tout simplement parce que nous n’aurions pas fait mieux.

« Je ne pense pas que tout Shakespeare,
ou tout Molière, soit actuel.
Mais Tartuffe est une fontaine de jouvence »

- Vous voulez dire que vous ne vous êtes pas réfugiés derrière l’« actualité » affirmée d’un auteur classique par facilité, par paresse, comme ont tendance à le faire parfois les metteurs en scène ?

A.M. : Non. D’ailleurs, je ne pense pas du tout que tout Shakespeare, ou tout Molière, soit actuel. Les Femmes savantes ou Les Précieuses ridicules, par exemple, ne m’intéressent pas beaucoup. Même Le Bourgeois gentilhomme ne me passionne pas. Alors que Tartuffe, au contraire, est une fontaine de jouvence.

- Que retenez-vous de l’expérience de La Ville parjure ou Le Réveil des Erynies, écrite pour la troupe par Hélène Cixous en 1994, et qui traitait très directement de l’actualité de l’époque, à travers l’affaire du sang contaminé ?

A.M. : C’est un spectacle qui traitait directement de l’actualité, effectivement, mais qui avait en même temps une dimension mythologique très forte. Il y avait de gros défauts, des longueurs, mais si on avait pu prendre plus de temps, si on avait été plus économes, on aurait pu les éliminer facilement. Sur la durée totale du spectacle - deux parties de plus de trois heures chacune -, j’estime qu’il y avait quatre heures de bon travail, qui éclairaient très bien, sans la réduire, l’affaire du sang contaminé. Le sang comme marchandise frelatée... Le sang !, vous vous rendez compte ?... C’est la même histoire que l’Erika : ce processus sempiternel de la non-précaution pour le profit. Mais c’est vrai que les gens qui nous connaissaient bien ont été déroutés. Ils disaient : « C’est un spectacle sur le sida. » Alors que ce n’était pas ça, bien sûr. Mais ils avaient peur que ce ne soit pas assez théâtral. Lorsqu’ils venaient, ils étaient surpris : « Mais c’est très théâtral, en fait ! » Ça explique qu’on ait mis du temps à démarrer.

- Un critique utilisait récemment, dans sa critique de Tambours sur la digue, l’adjectif « muséal », parlant du Théâtre du Soleil. Vous sentez-vous « muséale » ?

A.M. : Ah bon ? Je ne sais pas, je ne lis plus les critiques. Je ne les lis plus depuis Molière, parce que ça avait été un tel massacre, et parce que j’avais été effrayée par l’indignation que cela avait soulevée chez moi [le film avait été descendu par la critique lors de sa présentation au Festival de Cannes, avant de faire un triomphe en salles avec 10 millions de spectateurs]. C’est une hygiène de vie. Les seuls cas où je les lis, c’est quand les comédiens me disent : « Celle-là, tu devrais la lire, c’est quelqu’un qui a travaillé. » Pour le reste... Vous savez, ça fait trente ans qu’on dit que nous sommes dépassés...

- Et soudain, des nuits d’éveil raconte l’histoire d’une délégation tibétaine occupant un théâtre pour protester contre la vente d’avions à la Chine par la France. Un fossé sépare malgré eux les Tibétains et ceux qui les soutiennent : les uns jouent leur existence, et les autres, l’exaltation passée, sont vite repris par les contraintes de leur quotidien.

A.M. : Nous cherchions à dire sur le mode de l’humour que, souvent, on croit que l’on donne ça [geste large], alors qu’en fait, on donne ça [geste petit]... Il faut en être conscient. Mais je crois que les Tibétains du spectacle faisaient bien comprendre que ce petit geste était pour eux vital, et qu’il était important d’arriver à donner au moins cela. Sans quoi, nous ne serions plus des êtres humains. Malgré le fait que le spectacle se termine mal - on entend vrombir au-dessus des têtes le moteur des avions qui partent pour la Chine -, on comprend que cette lutte n’a pas été inutile. De même, pour moi, la lutte des sans-papiers, en un sens, a été victorieuse. Elle a permis la régularisation du plus grand nombre, et elle a fait basculer une partie de l’opinion.

« Le théâtre asiatique,
c’est de la poésie mise en chair »

- Depuis longtemps, depuis les Shakespeare, vous vous inspirez dans vos spectacles du théâtre traditionnel asiatique. Vous dites souvent que l’Occident a de grands textes, alors que l’Asie a plutôt développé l’art de l’acteur. Cela peut faire songer à ce qu’écrit Edward Saïd dans L’Orientalisme (1) : que l’Occident voit l’Orient comme « la chair d’un corps dont il voudrait n’être que l’esprit ». En même temps, des voix se sont élevées pour critiquer un recours aux traditions de l’Asie qui les dénaturerait en les tirant de leur contexte d’origine, et qui ne serait que superficiel... Êtes-vous sensible à ces critiques ?

A.M. : Je ne crois pas qu’Edward Saïd parle du même Orient que moi : son Orient est le monde arabe, et non l’Extrême-Orient ! Ce que je dis toujours, c’est qu’en Occident, nous avons davantage de dramaturges qui ont cherché l’écriture théâtrale, comme Eschyle ou Euripide. Alors qu’en Asie, même s’il y a de grandes épopées, c’est surtout l’art de l’acteur qui a atteint des sommets. Même les grands hommes de théâtre européens, Stanislavski, Meyerhold, qui ont élaboré des théories du jeu, s’y sont tous intéressés un jour ou l’autre. Attention : il ne s’agit pas d’un simple savoir-faire, mais d’une science à part entière. Et d’une science très importante : sans texte, il y a toujours le théâtre. Mais sans acteurs... Les premières fois où j’ai assisté à des représentations de théâtre asiatique, lors de mes voyages, ou ici, au Théâtre des Nations, j’avais la sensation de quelque chose d’à la fois évident et mystérieux. Je voyais de la poésie mise en chair ! La mission de ces acteurs est de montrer les symptômes des passions. Ils savent que chaque sentiment est une pathologie, et que c’est à eux de découvrir, ou d’inventer, le symptôme qui correspond à cette pathologie. A la peur d’un tigre correspond un certain symptôme, et à la peur de l’amour, un autre... C’est étudié ainsi, comme une autopsie. Et cela, c’est l’Orient qui l’a découvert le premier. C’est ainsi que l’on peut éviter les pièges de la psychologie et du réalisme.

- Parmi les qualités que vous dites exiger d’un acteur, il y a la « crédulité ». C’est un mot qui, en général, a plutôt un sens péjoratif...

A.M. : Et pourtant, c’est essentiel : comment peut-on faire croire, si on ne croit pas ? Le métier du comédien, c’est de croire. C’est quelque chose de rare. Il faut avoir gardé une sacrée part d’enfance pour croire que vous êtes Clytemnestre, quand le messager vient vous dire : « Agamemnon a décidé de sacrifier Iphigénie » ! Et pour pâlir... Même si le messager n’est pas très bon ! Il faut savoir compatir, « se mettre à la place de ». Lorsque nous jouions Les Atrides, nous avons reçu une lettre d’un professeur de grec qui était venu voir le spectacle. Toute la troupe s’en souvient encore. Il nous disait : « Je savais qu’Iphigénie avait été tuée, mais je ne savais pas qu’elle avait souffert. » La crédulité, on pense que cela signifie croire n’importe quoi, alors que c’est croire la vérité. Tous les jours, nous voyons des images atroces, mais voilà, nous avons des cuirs. Nous disons : « Comme c’est atroce ! » Mais nous ne blêmissons pas.

« J’ai cherché une troupe à la Sorbonne,
mais, à l’époque, il n’y avait que le “Groupe Antique”,
qui comptait uniquement des hommes.
Quand je me suis présentée,
on m’a envoyée directement à la couture »

- Il paraît que lorsque vous étiez étudiante, vous avez fait du théâtre avec Ken Loach...

A.M. : Oui, c’est vrai, nous étions étudiants ensemble à Oxford. Il dirigeait l’une des troupes de théâtre du campus. J’ai joué dans l’une de ses mises en scène, puis c’est lui qui a joué dans l’une des miennes. C’était un excellent acteur, même s’il n’a plus jamais joué par la suite. C’est quelqu’un que j’aimais énormément. Ensuite, je suis rentrée en France, où j’ai poursuivi mes études. Des études un peu bidon, parce que j’avais déjà derrière la tête de faire du théâtre. J’ai cherché une troupe à la Sorbonne, mais à l’époque, il n’y avait que le « Groupe Antique », qui comptait uniquement des hommes. Quand je me suis présentée, on m’a envoyée directement à la couture. J’ai alors décidé de créer ma propre troupe : l’Atelier théâtral étudiant [qui allait devenir le Théâtre du Soleil]. A ce moment-là, j’ai écrit à Ken, pour lui annoncer mon intention de monter une structure équivalente à la sienne et lui demander des conseils. Il m’a envoyé une énorme lettre, très belle, détaillée, précise, sérieuse, pour m’expliquer comment faire. Il y réfléchissait sur ce qu’était un théâtre universitaire, à quoi il devait servir... Par la suite, j’ai eu régulièrement de ses nouvelles par un ami commun, et nous nous sommes parfois parlé au téléphone. Mais nous ne nous sommes jamais revus.

- Dernière question : où en est votre projet de spectacle sur la Résistance ?

A.M. : Oh... [Soupir, affaissement général de découragement.] Non, c’est une souffrance... J’en ai toujours envie. Surtout depuis les tentatives auxquelles on a assisté récemment de réduire la Résistance à rien, à un fantasme. Cela m’a mise très en colère. Et surtout, aussi, parce que les résistants s’en vont... Mais je n’arrive pas à trouver une forme. En fait, j’en ai des images cinématographiques. Mais ce serait un film qui coûterait très cher, et je ne me sens pas le courage de passer trois ans à monter un projet.

- Vous voulez dire qu’au théâtre, il n’y a pas de prix à payer ?

A.M. : [Froncement de sourcils, regard sévère.] Ah, non ! Attention ! Il y a toujours un prix à payer. C’est normal qu’il y en ait un. Mais disons qu’au théâtre, j’ai l’impression qu’on perd moins de temps à des aberrations. Enfin... Un jour, peut-être...

Propos recueillis par
Mona Chollet
Photos : Michèle Laurent/Théâtre du Soleil

(1) Voir « Le fil à couper le réel », édito de mars 1998.

Version longue d’un entretien paru dans Charlie Hebdo du 23 février 2000.

Voir le site du Théâtre du Soleil.

A lire : Dresser un monument à l’éphémère et Trajectoires du Soleil, entretiens avec Josette Féral, 1995 et 1998, éditions Théâtrales ; Laurence Labrouche, Ariane Mnouchkine, un parcours théâtral, 1999, L’Harmattan.

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Théâtre
Périphéries, mars 2000
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