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« L’Etat a renfloué le Crédit lyonnais (...), et il voudrait fermer le Théâtre Gérard-Philipe pour une dette de dix millions de francs ? On ne laissera pas faire », s’exclame une spectatrice citée par Le Monde (14 octobre 1999). Surtout que, contrairement au Crédit lyonnais, Stanislas Nordey et son équipe utilisent l’argent public pour le public... Rarement, même, argent public aura été autant au service du public dans un théâtre. « Nordey lui-même, à son arrivée, a demandé une baisse de son salaire de directeur (il touche 21 500 francs bruts contre 26 000 pour son prédécesseur), rappelle René Solis dans Libération (12 octobre 1999). Il ne cumule pas les rémunérations (pas de salaire de metteur en scène ou d’acteur) et s’est toujours mis en congé sans solde quand il a signé des mises en scène hors de son établissement (beaucoup de ses confrères ne peuvent en dire autant). Quant au coût des spectacles, il reste faible. (...) Stoïque, l’équipe ne compte guère ses heures en échange d’hypothétiques jours de récupération. » C’est pourquoi la nausée est d’autant plus violente lorsque l’on prend connaissance de la réaction du Syndicat national des directeurs d’entreprises artistiques et culturelles (Syndeac), qui, retranchée dans son train-train frileux et confortable, se permet de faire la leçon à Nordey, par la voix de son président Michel Orrier (Le Monde, 15 octobre 1999) : « Diriger un théâtre, c’est un tout. Il y a le travail sur la création, le travail sur le public, et la responsabilité financière. »
Le déficit du Théâtre Gérard-Philipe ne résulte pas d’une gestion irresponsable. Il est la conséquence logique du programme présenté par Nordey à son arrivée, et appliqué scrupuleusement : ouverture toute la journée, toute l’année, créations et animations tous azimuts, tarif unique de 50 francs... La billetterie n’est pas en cause dans les pertes : la hausse du taux de remplissage a compensé la baisse des tarifs. Le succès est indiscutable : le Théâtre Gérard-Philipe est un théâtre populaire, démocratique, ouvert sur la ville, sur la société, qui concilie l’exigence artistique avec la simplicité chaleureuse du quotidien partagé (lire notre reportage à Saint-Denis et notre rencontre avec Stanislas Nordey en décembre 1998 : « Théâtre mitoyen »). Mais ce que l’on constate aujourd’hui, c’est qu’il n’y a pas de miracle : tout cela a un prix. Au vu de l’importance des enjeux, et des résultats déjà obtenus, il n’est pas sûr qu’il soit si élevé que cela. Les décisions qui seront prises dans les prochains jours au ministère de la Culture montreront si l’Etat est prêt ou non à soutenir un véritable théâtre de service public. Jusqu’ici, pour donner corps à son rêve, Nordey l’a mis devant le fait accompli. C’était peut-être le seul moyen.
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