Au fil des jours,
Périphéries explore quelques pistes -
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Mécontents du service, les clients de Houra.fr, premier supermarché virtuel français, ont envoyé au Journal du Net leurs « cahiers de doléances ». Cahiers de doléances... Oh, pitié ! Entendez-vous ce vacarme de tremblement de terre qui monte de nos campagnes ? C’est rien, ce sont juste les morts de la Révolution française qui se retournent dans leur tombe tous en même temps.
Une acheteuse, explique le Journal du Net, a carrément envoyé un « journal intime » où elle raconte ses mésaventures. Le jour où je n’aurai plus que ce genre de trucs à écrire dans mon journal intime, quelqu’un aurait-il la gentillesse de m’achever ? A part ça, il faut qu’on m’explique. Comment peut-on passer des heures devant son écran (déjà, des travées de supermarché, c’est toujours affreusement déprimant. Alors, des travées de supermarché sur un écran d’ordinateur...! Quel raffinement dans la perversion !), puis au téléphone parce qu’on ne reçoit pas sa commande, puis s’énerver pendant une semaine parce qu’on ne se fait toujours pas livrer, puis enfin perdre trois heures à rédiger le récit haletant de ces passionnants rebondissements successifs ? Je suis la seule à y penser, ou est-ce qu’il ne serait quand même pas plus simple de descendre au supermarché du coin acheter ses trois paquets de nouilles et son tube de dentifrice, et qu’on n’en parle plus ?... Ah, mais acheter en ligne, c’est un trip, on ne peut pas comprendre. Admettons. Tout le monde peut avoir envie un jour ou l’autre de jouer au gogo qui achète en ligne, juste histoire d’avoir essayé. Et, évidemment, on se fait avoir dans les grandes largeurs. Mais alors, il faut bien avouer qu’on l’a un peu cherché ! De là à s’en vanter, en plus, il faut être obstiné dans le masochisme ! A quoi cela sert-il, à part à enfoncer dans la panade un malheureux employé vraisemblablement déjà sous pression, et à le faire engueuler par son petit chef ?
Et cette façon, pathétique à force d’être insistante, de s’indigner de l’absence de tout « geste commercial » pour compenser les cafouillages du service... Comme si tout « geste commercial » ne revenait pas toujours, de toute façon, à un majeur dressé bien haut au milieu des autres doigts repliés... Rien que ce terme me fait frémir. Imaginez : la main glacée du commerce qui s’approche de vous, telle une macabre et ricanante créature surgie tout droit d’un cauchemar burtonien néo-gothique... Beuârk ! Qu’on m’explique la procédure pour répudier ses contemporains ! Tiens, on en profitera pour relire avec profit (un autre genre de profit) l’article de Pierre Lazuly sur « l’idéologie du client », paru dans Le Monde diplomatique...
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