Au fil des jours,
Périphéries explore quelques pistes -
chroniques, critiques, citations, liens pointus...
« Scandale permanent au Centre Pompidou », « Comment le clan Chirac gangrène la culture », « Le crash de “la Beauté” en Avignon », « Le diable s’appelle François Pinault »... Au moins, on ne pourra pas reprocher aux journalistes culturels de la revue « indisciplinaire » Mouvement (qui traite à la fois du spectacle vivant et des arts visuels) de recopier mollement les dossiers de presse ou de faire preuve de complaisance. Mais à lire leurs articles denses, riches, à parcourir ces pages qui donnent un sentiment d’inexploré et de dépaysement, on comprend mieux d’où leur vient cette exigence critique : de leur conviction, de la qualité des artistes qu’ils soutiennent et en lesquels ils croient. Ce trimestre, Mouvement propose un entretien avec Edward Bond, ainsi qu’avec Alain Françon, qui met en scène au Théâtre de la Colline, à Paris, la dernière pièce de Bond, Le Crime du XXIe siècle.
Extrait de l’entretien dans Mouvement, en guise de viatique pour ce début de millénaire :
« Il me semble qu’à l’époque où j’ai commencé à écrire, on avait le sens du futur, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. (...) Les êtres humains n’ont plus aucun sens, et n’ont donc plus aucun but. (...) Il semblerait que les anciennes significations soient aujourd’hui redondantes. Mais comment créer de nouvelles significations ? C’est difficile, parce qu’on vit dans une époque de déconstruction, de postmodernisme, et toutes ces choses dépourvues de sens ! Récemment, je suis allé au Musée d’art moderne ; j’y ai regardé les tableaux des années trente et quarante, qui traitent de l’image humaine et de sa décomposition. Il ne s’agit d’ailleurs pas seulement de l’image humaine, mais de la façon de vivre, en général : tout s’effondre. Mais tout cela est tenu par l’esthétique de la beauté et la plupart de ces œuvres dégagent une joie de vivre. En voyant La Danse de Matisse, on pense : “Mais Hitler arrive au pouvoir, comment peut-on danser ?” C’est un contraste, un sentiment de liberté. Dans le même musée, il y avait une exposition contemporaine intitulée Sheep and Goats... et c’est une morgue ! (...) On ne sait pas où mettre les pieds, on trébuche, le sol est gris, tout est géométrique. Il y a des salles qui ne contiennent qu’une chose, et seulement des machines qui projettent des images. Et ces images, toutes nostalgiques, parlent du passé, des futilités, des films des années trente... Je ne dis pas que c’est du mauvais art. Je ne dis pas que c’est de la merde moderne. Je me demande ce qui a créé un tel vide... Je pense, fondamentalement, qu’être humain, c’est comprendre l’espace ; l’espace intérieur, subjectif, et puis l’espace du dehors - qui sont deux espaces complètement différents. »
Mouvement, en kiosque, 40 francs.
Le Crime du XXIe siècle, d’Edward Bond, mise en scène d’Alain Françon, du 9 janvier au 9 février au Théâtre de la Colline à Paris.
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