Au fil des jours,
Périphéries explore quelques pistes -
chroniques, critiques, citations, liens pointus...
« Depuis 1987, le travail au sein des prisons françaises n’est plus censé être afflictif et obligatoire. Au contraire il serait devenu un “moyen de réinsertion”. Pourtant au simple regard du coût de la vie en prison, on comprend aisément que le travail salarié soit pour le détenu la seule façon de pouvoir “surpayer” les services qui vont de l’achat de biens de premières nécessités à la location d’une télévision.
Il existe trois types de travail en détention :
- le service général d’entretien de l’établissement : il concerne 8000 détenus et sa rémunération est de 800 Fr/mois environ.
- le travail pour la régie industrielle des établissements pénitentiaires, de l’imprimerie à la confection d’uniformes pénitentiaires, dont la rémunération est de 1900 Fr/mois environ.
- Enfin le travail en concession, dernier cas le plus courant, qui concerne plus de 11000 détenus et n’est pas le mieux rémunéré, de l’ordre de 1200 Fr/mois environ.
C’est depuis la mise en place du programme 13000 en 1987 que des entreprises privées peuvent cogérer une vingtaine d’établissements pénitentiaires français. Ils ont été construits par Vivendi, la Lyonnaise des Eaux ou Dumez et sont gérés de manière rentable mais souvent inhumaine et déplorable, notamment en matière de santé, par Sodexho, Eurest, Gecep, Gepsa. Les points communs à tous ces travaux sont l’absence de contrat de travail, de salaire minimum garanti, de congés payés, de congés maladie, des avantages de la retraite (alors même qu’ils cotisent), l’interdiction du droit de grève, de contestation, d’association, de syndicalisation. Des tâches répétitives et peu qualifiantes, un travail précaire n’assurant même pas ce maigre revenu pendant toute l’année. La flexibilité est d’ailleurs ici un mot d’ordre : on déclasse arbitrairement, on paye encore à la pièce. Un détenu de la Maison d’Arrêt de Caen ayant travaillé trois semaines pour un concessionnaire a ainsi perçu 200,88 Fr pour ce travail. Le Conseil de Prud’Hommes et la Cour de Cassation ne se sont pas sentis concernés par le cas de ce “travailleur”.
Ces entreprises “citoyennes”, épargnées dès lors par les charges sociales et les éventuels préavis de grèves, se cachent derrière l’alibi honteux de la “réinsertion”. Or, un prisonnier leur rapporte en fait 255 Fr/jour et elles touchent 3 à 5% du Chiffre d’Affaire de la prison chaque année. De plus ce sont elles qui gèrent le cantinage et par les prix exorbitants qu’elles y pratiquent, elles exploitent doublement chaque détenu qui ne peut vivre sans y avoir recours et ne peut payer sans travailler...
L’Administration Pénitentiaire organise cet esclavage légal des détenus et favorise leur exploitation. Le ministère de l’Emploi et de la Solidarité n’accorde pas à ces travailleurs les droits qui leurs sont dus. Quant aux syndicats dits représentatifs, ils ignorent totalement leur qualité de travailleur et ne défendent que les intérêts des matons. »
Ecoutez « Ras les murs », émission sur 89.4 tous les mercredis de 20h30 à 22h30
Sur le(s) même(s) sujet(s) dans Périphéries :